Alors que les internautes se déchaînent, la mère d'un des jeunes qui ont massacré l'agnelet fait part de son désarroi.
Reportage en Ajoie.
Camille Krafft -
le 01 mai 2010, 21h32
Le Matin Dimanche
Image © Alain Germond
Corinne Gerber montre une bête un peu plus âgée que celle qui a été volée dans sa ferme et tuée dans la nuit du 17 au 18 avril.
«Ils avaient faim...» Isabelle* lève les bras au ciel d'un air impuissant, retient ses larmes.
L'un des «gamins» qui ont massacré un agneau volé dans une ferme lors d'une fête arrosée à Porrentruy (JU), dans la nuit du 17 au 18 avril, c'était le sien.
Patrick*, 17 ans, apprenti ouvrier, domicilié depuis quelques années dans un village proche de la frontière française avec sa mère et l'ami de cette dernière.
«C'est pas un mauvais gosse», assure Isabelle.
Mais là, il a fait «une grosse connerie.
Je vous assure qu'il est pas fier, et il lit ce que j'en pense dans mon regard à chaque fois que je le croise.
Ça reste un acte barbare», murmure la maman, qui se demande ce qu'elle a «loupé» dans son éducation.
Occupée à prendre un bain de soleil dans son jardin, ce jeudi après-midi, Isabelle* commence à mesurer sa chance: son nom ne figure pas dans l'annuaire.
Car sur la Toile, son fils a déjà été livré à la vindicte populaire, de même que l'un de ses copains.
Les noms, et même la photo de Patrick, ont été affichés sur le réseau social Facebook, puis retirés (lire ci-dessous).
Appel à la «pendaison», au «châtiment», à se substituer à une justice qui sera - beaucoup d'internautes en sont convaincus - trop clémente.
«Ils n'ont que ce qu'ils méritent»
Joanna*, qui a balancé l'identité de Patrick et de l'un de ses copains sur Internet, n'a pas 20 ans.
Elle est domiciliée en Ajoie, soit la région de Porrentruy, comme de nombreux membres du groupe Facebook intitulé «Agneau massacré - peines maximales», qui a réuni plus de mille personnes.
Confrontée au récit d'un «copain» présent lors de la fameuse soirée, bouleversée par le sort réservé au «pauvre petit agneau», la jeune fille n'a pas hésité à faire de la délation.
Au téléphone, elle persiste, et signe: «Tout le monde veut leur péter la gueule.
Ils n'ont que ce qu'ils méritent.»
Joanna connaît pourtant l'ami de Patrick, dont elle a livré le nom sur la Toile: «J'étais à l'école avec, on fumait notre clope ensemble en cachette.
Ça m'a étonnée qu'il puisse faire ça, car c'était quelqu'un de plutôt calme.»
Sur le Web comme aux tables des bistrots, la rumeur a enflé ces deux dernières semaines. Les jeunes auraient ri en tuant la bête.
L'agneau sacrifié aurait bêlé encore alors qu'il brûlait dans le feu.
«Dans la région, on pensait que ça pouvait pas être un Ajoulot.
Que c'était forcément un Français ou quelqu'un d'une autre religion», lâche, comme si la réflexion allait de soi, Stéphane*, 22 ans, fondateur du groupe Facebook.
De fait, si Patrick est Français d'origine, son copain est du coin.
En Ajoie, la chasse à l'homme a commencé: le jeune en question, qui serait SDF, aurait été repéré par plusieurs personnes récemment près de la gare de Delémont...
«La commune n'a toujours pas nettoyé»
Avant d'être dénoncé sur le Web, Patrick aurait été «balancé» à la police par d'autres jeunes présents lors de la fête - une dizaine au total, mineurs et majeurs, dont certains sont déjà connus des services de l'ordre.
C'est du moins ce que prétend sa maman.
Isabelle assure que son fils est «bien remonté» contre ses compères de beuverie: «Patrick dit qu'ils étaient au moins quatre sur cet agneau. Il lui a tenu les pattes, mais c'est pas lui qui l'a énuqué...»
Au parc Mouche, qui borde la ferme du Château du Porrentruy, les traces de sang sont encore visibles autour du foyer
- «la commune n'a toujours pas nettoyé», fulmine Claude Gerber.
Lorsque le paysan a trouvé la tête et le thorax de la bête encore fumants ce dimanche matin-là, des taches rouges permettaient de suivre le parcours des fêtards de la bergerie jusqu'à l'aire de pique-nique.
Jambes campées sur les cendres froides, l'éleveur secoue la tête: «On peut pas s'imaginer ce que cet agneau a dû subir.
Voyez, ils l'ont ouvert là, et ils ont essayé d'aller faire cuire la viande sur le gril un peu plus loin.»
Ce dimanche-là, des grillades étaient prévues au menu de midi à la ferme du Château.
Aucun des Gerber n'y a touché.
Dans le champ où les bêtes ont été transférées avec l'arrivée du printemps, Corinne Gerber, qui s'en occupe avec ses filles, montre un agneau un peu plus vieux que celui qui a été dérobé: «N'importe qui de sensé voit qu'il n'y a rien à manger dans une bête comme celle-là», lâche la paysanne.
Âgé de 2 mois, l'animal sacrifié ne portait pas de nom et était promis à la boucherie, mais dans quelques mois seulement.
Outre la mise à mort de l'agneau, les jeunes fêtards ont dérobé des palettes en bois au paysan, ainsi que des (bonnes) bouteilles de vin dans une cave du coin.
Selon la police, ils étaient sous l'emprise de l'alcool.
Mais pas seulement.
Romain*, 16 ans, affirme avoir fourni ce soir-là toute la petite troupe en speed, un dérivé de l'amphétamine acheté à Bienne.
«Le speed, c'est pas de la rigolade. Mais ils m'ont fait ch... pour essayer, alors j'ai donné un trait à tout le monde.»
A la police, Romain a déclaré ne pas avoir assisté au massacre de l'agneau. «J'étais parti en boîte au moment où ça s'est passé.»
Cette semaine, la brebis mère de l'agneau est morte, sans maladie apparente.
L'ennui et le chagrin, soupçonne Claude Gerber.
L'une des filles du paysan, adolescente, a remis dans sa chambre la petite lumière qu'elle utilisait enfant lorsqu'elle avait peur du noir.
Quant à Patrick, Romain, et d'autres sans doute, ils sont punis par leurs parents et interdits de sortie jusqu'à nouvel avis.
L'enquête suit son cours, en attendant le jugement.?
*Noms connus de la rédaction.
La délation comme un sport?
La TSR a diffusé jeudi soir un reportage montrant la violence de certaines réactions exprimées sur Facebook au sujet des auteurs présumés du massacre.
Hier, le Quotidien jurassien traitait du même sujet, évoquant un «lynchage». Apeuré par cette médiatisation, le fondateur du groupe, intitulé dans un premier temps «pour la pendaison des coupables», a préféré se retirer du site.
Il dénonce aujourd'hui les «médias» qui «font passer les accusés pour des victimes».
Le groupe a été dissous, puis reconstitué avec un nouvel administrateur.
Olivier Glassey, sociologue à l'UNIL, rappelle que les sites comme Facebook sont «des outils extraordinaires de mobilisation, pour le meilleur comme pour le pire».
Il relève que les personnes qui tiennent des propos ultraviolents sur la Toile «n'ont pas conscience de la mémoire des lieux.
Que deviendront ces informations?
Et comment permettre aux coupables de se réinsérer dans un système qui laisse de telles traces?»
Le spécialiste redoute que «la délation ne devienne un sport sur les réseaux sociaux.
Il en va de la responsabilité des modérateurs».
Contacté, Facebook assure que «ce genre de comportement contrevient clairement aux règles d'utilisation du site.
Si ce groupe est détecté par nos services de surveillance, il sera évidemment supprimé».
Mais le mal ne sera-t-il pas déjà fait?
C.K./J. P.
Commentaires
koukou j'espere que tu vas bien viens faire un toure sur mon petite blog !!!! s'il te plait
Bien triste!!
Tu vas bien toi?
Je viens faire un coucou car quel boulot de tout ranger et nettoyer mais c'est très bien ici!
Je vais revenir bientôt!
Je n'oublie personne bien sur
Je vais essayer de faire des petits coucous à tout le monde!
Je repasserai bien entendu mon amie!
De grosses bises très bonne soirée!
coucou j'espere que tu vas bien moi oui a bientot j'espere
en tout cas je te remercie beaucoup